Les Lainé ont donné au Musée de la civilisation de Québec une redingote et une jupe appartenant à leur famille depuis plusieurs générations. Christine, Danielle et Amélie Lainé rencontrent la conservatrice Marie-Paule Robitaille et la restauratrice Louise Lalonger au Centre de conservation du Québec.
L'enregistrement, l'écriture et la traduction en français des mots wendat ont été effectuées par Megan Lukaniec.
Chez les Wendat, le concept de famille cerne plus largement une communauté de personnes. La famille, touchant le père, la mère, les sœurs, les frères, les tantes maternelles et ses enfants, les oncles paternels et ses enfants, se nomme en wendat : yahwatsira'. Lorsqu’on inclut les tantes paternelles, les oncles maternels, les cousins et les cousines, on utilise le terme : yänonhonhkwahcha', qu’on pourrait traduire par « parenté ».
For the Wendat, the concept of family encompasses a broader community. The word family is YAHWATSIRA’ in Wendat. It includes the father, mother, sisters, brothers, aunts and their children on the mother’s side, and the uncles and their children on the father’s side. If you open it up to the aunts on the father’s side, the uncles on the mother’s side, and the rest of the cousins, you say YÄNONHONHKWAHCHA', which is closer to the English word kin.
J’étais vraiment étonnée d’apprendre que grand-maman avait un tel vêtement à la maison. Ma grand-mère collectionnait beaucoup de choses et elle nous permettait toujours de fouiller partout dans la maison. De pouvoir toucher les objets dans le temps, d’en connaître l’histoire et en même temps, de savoir que d’autres gens pourront partager cela, je trouve ça excitant ! Ce qui est intéressant aussi c’est que ce n’est pas un vêtement de cuir, c’est tout autre chose que l’image stéréotypée. Je trouve intéressant de voir comment le costume s’est adapté aux tissus qui ne sont pas typiquement autochtones et qu’il reste brodé avec le poil d’orignal. C’est un métissage de la culture autochtone et de la culture européenne.
I was really surprised to learn that grandma had an outfit like that at home. My grandmother collected lots of things and always let us dig around her place. For me it’s really exciting just to touch this stuff from the old days, to find out its story, and to have other people sharing in the discovery. The other thing I really like is that it’s not made of leather—it’s totally different from the cliché. I find it really interesting how it’s made of fabrics we don’t see as typically Aboriginal, but it’s still embroidered with moose hair. It’s the blend of Wendat and European culture.
Je me souviens quand j’étais toute petite de l’avoir vue et que cela ne me disait absolument rien. Comme maman aimait tout ramasser, ça n’avait pas plus d’importance que ça pour moi. Quand je voyais la redingote je la trouvais belle, sans plus. Jusqu’à un moment où on s’est arrêté et qu’on s’est aperçu que la redingote était vraiment belle et qu’elle avait sa propre histoire. Ma mère nous racontait que sa tante Claire portait le vêtement en se promenant dans une petite voiture tirée par un cheval et qu’elle était toute fière.
I remember when I was little I’d see the outfit and it really didn’t mean anything to me. Mom was always bringing stuff home: I really didn’t give it a second thought. When I’d look at the coat, I’d think “that’s pretty,” but that was it. Until one day I just stopped short and saw that wow, that coat is really beautiful: it had its own story. My mother used to tell us about how Aunt Claire used to wear it riding in this little horse-drawn carriage—how she was so proud!
Je suis très fière et je suis très contente parce que je vois qu’elle a pris de la valeur et qu’elle sera conservée. Si un musée veut l’avoir, il peut faire une demande, c’est simple. On sait qu’elle sera bien entretenue. Je suis émue et très contente.
I’m really proud; I’m happy because the outfit has become valuable and will be preserved. If a museum wants it, they can ask: it’s simple. We know it will be taken care of it. It’s really moving, and I’m very happy.
Quand maman est décédée, personne n’avait réclamé ce vêtement et ça faisait partie de notre patrimoine. On ne voulait pas le donner à n’importe qui. Elle est décédée en 2005 et, pour nous, c’était normal de le garder, mais on ne savait pas trop quoi en faire. Nous avons donné la redingote et la jupe ensemble puisqu’elles étaient dans le même étui. Le meilleur endroit était au Musée de la civilisation pour qu’elles soient conservées et exposées, pour qu’elles puissent demeurer accessibles et être conservées dans les meilleures conditions.
When mom died in 2005, nobody claimed the outfit, but it was still part of our heritage. We didn’t want to give it to just anybody. We wanted it to stay in the family, but we didn’t really know what to do with it. And we didn’t want to split up the coat and skirt because they went together in the same box. The best place for them was Musée de la civilisation, where they would be properly preserved and displayed in the best conditions and everybody could see them.
Dans ce cas-ci, il y a quand même les broderies de poil d’orignal qui ont lâché. Il y a des fils qui sont lâches que nous devrons fixer en place. Et puis, ici, on voit que le tissu est défait, qu’il est détissé. Ça arrive souvent avec des tissus noirs ou foncés… Comme s’il restait le fil de chaîne, mais qu’il ne restait plus le fil de trame. On utilisait des sulfates de fer pour fixer la couleur et plus on en met, plus la couleur devient foncée, mais si on abuse, ça finit par brûler le tissu. Ça détériore. Ici, on peut voir qu’il y a eu ce problème et donc il y aura beaucoup de travail de consolidation à faire tout au long de l’ouverture. Mais, en général, c’est assez bon. On peut voir aussi la doublure de soie ici où le tissu est très usé; on voit que ça été porté. On voit aussi qu’il y a des cernes d’eau; parfois ça été entreposé dans un grenier, ça c’est des accidents qui arrivent.
J’ai apporté des fils : c’est du fil de soie qu’on teint ici. On vient chercher un fil qui déjà s’approche de la couleur et qui nous permet de consolider sans que ça se voie trop. C’est un fil qui est double alors on peut le défaire et aller chercher seulement un seul fil. Et, donc, en ayant un fil encore plus fin, on peut réparer des vêtements.
Un des principes dans la restauration c’est qu’il ne faut pas que notre consolidation soit trop solide. Il ne faut pas qu’elle soit plus solide que notre tissu ancien, parce que sinon il y a une trop grande tension et c’est le tissu ancien qui déchire. Cela permet aussi de faire quelque chose qui ne se voit pas ou peu visible.
Dans un cas comme celui-ci, on voit déjà qu’il y a eu des taches de colorants, on sait qu’on ne lavera pas. Lorsqu’un textile décolore, on fait des tests avec différents solvants. On peut travailler avec différents produits chimiques vaporisés sur le vêtement ou, encore, utiliser une table aspirante avec le dessus perforé qui va entraîner les saletés dans des papiers buvards et accélérer le temps de séchage. Dans ce cas-ci, on va essayer de traiter localement les taches avec une table aspirante pour tenter d’extraire la saleté et le surplus de colorant, mais cela ne veut pas dire qu’on va le remettre à neuf ni que l’on va faire partir toutes les taches. Ce n’est pas toujours notre but. Certains textiles sont plus faciles que d’autres à nettoyer, quelques fois on ne va que dépoussiérer. Il n’y a pas de recette magique ni une seule façon de faire, chaque objet est un cas particulier.
Here you can see where the moose hair embroidery’s starting to come loose. The threads are coming out; we’ll need to tack them down. And here you can see where the fabric’s falling apart: it’s come unraveled. That often happens with dark or black fabrics. The warp threads are still in place, but the weave’s gone. They used iron sulfates to set the colors in those days and the more you used, the darker the color. But use too much and you ended up burning the fabric. It starts to break down later on. Here’s a spot where that’s happened, so we’ll have to do lots of work around the hole. Overall though, it’s in pretty good shape. Here again the silk lining is showing and the fabric’s worn through; you can tell the suit has been worn. There are some water stains too: it spent some time in an attic and these things happen…
I brought thread: it’s silk thread we dye here ourselves. We look for thread that’s close to the existing color so we can shore up the original without its being too visible. It’s a two-ply thread so we can unwind it and just use one strand. That way it’s even finer for clothing repairs.
One principle of restoration is that you don’t want reinforcements to be too solid. They can’t be stronger than the old fabric because it creates too much tension and can cause the old tissue to tear. The idea is to make something that doesn’t show, or isn’t too obvious.
Here you can see where the dye has run, so you know it’s not washable. When fabric bleeds or fades, we test different solvents on it. We can spray it with certain chemicals or use a vacuum table with holes in the top that suck the dirt into blotting paper. The table also dries the fabric faster. In this case we’ll try to spot-treat the stains on the vacuum table. That will get out some of the stains and excess dye, but that doesn’t mean it’ll be like new again or that the stains will be totally gone. That’s not what we’re aiming for. Some textiles are easier to clean than others. Sometimes just getting the dust out is enough. There’s no magic bullet, and there are lots of ways to go about it. Every object is different.
Cette jupe n’est pas tout à fait comme les autres comme elle est un peu plus jeune (récente). Bien sûr, on prenait les rubans accessibles et j’ai l’impression que le ruban rouge, ici, doit être du textile qui vient de vêtements liturgiques. C’était assez fréquent sur des redingotes de toutes sortes.
– Le tissu damassé a pu être taillé pour faire l’appliqué comme ils ont pu prendre des rubans. Sur les jambières, on voit souvent des rubans qui sont sur l’appliqué.
Le ruban, ici, c’est de l’étoffe qui a été taillée pour faire un effet de ruban dentelé, mais le tailler tout en pointe est difficile parce que ça s’effiloche sans cesse, alors il faut que la couturière soit habile pour replier son tissu, retenir et garder la constance des dimensions des motifs.
– Ce ruban cordé et pressé devait être importé de France parce que c’est des rubans de soie européenne.
C’était sur le marché et puis on a eu la finesse de voir que ça pouvait servir comme ça.
This skirt isn’t quite like the others. It’s a bit more recent. Naturally they used whatever ribbons they could get hold of; it looks to me like this red ribbon is from liturgical vestments. You find that pretty often with different coats.
—The damask fabric might have been cut to make the appliqué like ribbons. You often see leggings with ribbons on the appliqué.
The ribbon right here is fabric that’s been cut to look like a zigzag ribbon. It’s really hard to cut the tips to a point because the fabric is always unraveling. The dressmaker must have really known what she was doing to fold the fabric, hold it in place, and keep the dimensions consistent for the entire pattern.
—This type of ribbon must have been imported from France. It’s European silk.
It was on the market and someone was sharp enough to see that it could be used this way.
Le tissu est très intéressant. Ça demandait aussi beaucoup de dextérité pour confectionner un tel vêtement.
– Quand on a pris connaissance de tous ces éléments : les motifs, la broderie, la coupe du vêtement, que des amis, des voisins travaillaient avec le poil d’orignal, on a pu voir la richesse du vêtement qu’on avait à la maison. D’autre part, je ne sais pas si à l’époque on utilisait encore que des teintures végétales...
† Il y avait des teintures synthétiques à la fin du 19e siècle.
– Oui, parce qu’on voit des roses par exemple qui auraient été difficiles de créer. On aurait eu du jaune, du rouge, du vert, peut-être du bleu, mais pas du rose.
‡ Ça aide à les situer dans le temps.
It’s a very interesting fabric. It would have taken a lot of skill to make something like this.
—When we found out more about all these different aspects—the patterns and embroidery, the cut of the garment, the fact that friends and neighbors worked with moose hair—we realized what a wonder we had at home. On top of that, I don’t know whether they were still using plant dyes at the time…
† They had synthetic dyes by the late 19th century.
Right, because there’s the pink, which would have been hard to get. They would have had yellow, red, green, and maybe blue, but no pink.
‡ That helps set the time frame.
Plusieurs vêtements typiques de la nation wendat se retrouvent aujourd’hui dans des collections muséales. De ces vêtements, on reconnaît la blouse, la jupe et les mitasses comme étant des vêtements traditionnels des femmes wendat. On nomme yatenwahkah, la blouse, yen'khara', la jupe et yarihcha' les mitasses.
Various Wendat clothing items can be found in museum collections today, including the blouses, skirts, and leggings that make up the traditional dress of Wendat women. YATENWAHKAH is the word for smock, YEN'KHARA' means skirt, and YARIHCHA' means leggings.
Dans la confection des vêtements, les Wendat utilisaient déjà les tissus au 19e siècle. Le mot yenkwara' en wendat veut dire linge, étoffe, couverte. Avant, nous utilisions principalement le cuir pour la fabrication de vêtements. On nomme le cuir ya'ndiha' en wendat.
The Wendat were already making clothes out of fabric in 19th century. The Wendat word YENKWARA’ means cloth, fabric, or cover. Before that, our clothes were mainly made out of leather. The word for leather is YA'NDIHA'.
Ce qui est vraiment particulier c’est qu’avec des matériaux autres que ce qu’on peut s’imaginer, qu’il y ait une appropriation tout en gardant l’identité. Je sais que c’est huron et non mig’maq. Je le vois par la décoration, les motifs, différents appliqués, la manière d’avoir travaillé. Alors, peu importe, c’est de son temps, mais c’est quand même identitaire à la nation, à vos ancêtres, à une telle époque.
What’s really remarkable is the way the dressmaker used nontraditional materials without compromising the Huron-Wendat identity. You know right away that it’s Huron rather than, say, Mi’gmaq, because of the decoration, patterns, appliqués, and the style of work. It’s a testament to its time and a reflection of the identity of the Nation and your ancestors at a specific period.
Chez les Hurons, on ornait avec de la broderie, on faisait des ensembles, des regroupements de végétaux et de fleurs que l’on joint des fois. Il y a ce vouloir de décorer à la manière huronne avec le poil d’orignal et ici on a fait des gerbes de fleurs en enfilade comme à la mode du temps, en faisant persister la tradition.
Huron-Wendat dressmakers decorated their work with embroidery and groupings or arrangements of plants and flowers, sometimes joined together. You see this desire to do it the Huron way, using moose hair. Here you see how the dressmaker has strung together sprays of flowers, very much in the style of the day, while still maintaining the tradition.
Chez les Wendat, à une certaine époque, deux chefs étaient nommés dans la communauté. L’un servait les activités politiques, on le nommait : horihwïio'. L’autre était plutôt relié aux activités de la guerre; c’était : hotiohkwïio'.
The Wendat used to appoint two chiefs from in their communities. One was responsible for political affairs: the HORIHWÏIO'. The other was the war chief: the HOTIOHKWÏIO'.
[Le plus âgé est Maurice Serenhes Bastien.] Ici, c’est notre grand-père Ludger Bastien, son fils Mathieu et son petit-fils Gilles. Les quatre générations de Bastien.
Elle avait une grande fierté de sa famille. Son père a été un chef d’entreprise, il était aussi grand chef de la nation huronne-wendat et il a aussi été le premier Huron comme député de l’Assemblée nationale. Il y avait un prestige, toute une histoire reliée à la famille et pour maman, cela avait une valeur très importante. Donc, elle s’est attachée à tout ce qui était de sa famille et l’a toujours conservé. C’est grâce à elle si nous l’avons encore parce qu’elle aurait pu facilement disparaître.
[Maurice Serenhes Bastien is the oldest.] Here you see our grandfather Ludger Bastien, his son Mathieu, and his grandson Gilles. Four generations of Bastiens. She had a lot of family pride. Her father was president of a company. He was also Grand Chief of the Huron-Wendat Nation and the first Huron to be elected to the National Assembly. The family had prestige, and a real history. It was really important to my mom. She always took an interest in anything that belonged to the family, and hung on to it. She's the reason we still have the outfit—it could just as well have been lost.
Mon souvenir le plus ancien c’est que j’ai vu ce vêtement dans différentes garde-robes chez maman : dans la chambre des visiteurs, au sous-sol et, finalement, dans le hangar parce qu’on ne savait plus vraiment où le ranger. Je me rappelle toute jeune d’avoir joué avec ce vêtement. On l’avait essayé à tour de rôle. C’était une découverte sans trop savoir la valeur que ça avait, c’était surtout un déguisement. On remarque qu’il manque un accessoire très important car en plus de la jupe et de la redingote, il y avait des mitasses, des jambières qui accompagnaient ce vêtement.
As far back as I can recall, I remember seeing the outfit in different closets in my mother's house, in the guestroom in the basement, and eventually in the shed, because we really didn't really know where to store it anymore. I remember playing with it when I was little. We took turns trying it on. It was a cool find, but we had no real idea of its value. For us, it was mostly a dress-up costume. One important thing is that it's missing the leggings that are supposed to go with it.
Les motifs étaient faits par broderie avec des poils d’orignal qu’on teignait. En wendat, ohskwara' désigne le poil d’orignal et ahsohkwa' désigne la teinture.
The patterns were embroidered using moose hair, which was dyed. The Wendat word for moose hair is OHSKWARA' and the word for dye is AHSOHKWA'.
L’ornementation des vêtements se fait avec des perles de verre et des rubans. En wendat, oyahkwe'nda' veut dire « perles de verre » et ohohcha' veut dire « ruban ».
Clothes were decorated with glass beads and ribbons. The Wendat word for glass beads is OYAHKWE'NDA'and the word for ribbon is OHOHCHA'.