Anne Archambault, chef de la Nation Wolastoqiyik (Malécite), raconte son histoire des bateaux de pêche et la relation toute spéciale de qu'elle entretient avec l'eau. Pierre Nicolas parle du développement économique de la communauté à Cacouna. Ginette Aubin, artiste peintre et graveur, partage avec nous son apprentissage de la langue.
L'écriture et la traduction française des mots malécites sont tirées du [dictionnaire de 1939 du Massachussetts; et de la trousse d'apprentissage de la langue de Tobique].
Kwe ! Kwe ! Mon nom est Anne Archambault. Je suis la grande chef des Malécites de Viger. Malécites, c’est-à-dire WOLASTOQIYIK, « peuple de la belle rivière ». Nous étions reconnus pour fabriquer d’excellents canots d’écorce. Comme vous pouvez voir, il y a beaucoup de rivières dans notre région. Nous les utilisions comme des autoroutes pour voyager sur le territoire.
Kwe! Kwe! My name is Anne Archambault. I am Grand Chief of the Viger Maliseet Nation, the WOLASTOQIYIK, people of the beautiful river. We were famous for building superb birch bark canoes. As you can see, there are many rivers in our region. We used them as highways to travel through our land.
À trente ans, j'ai commencé à découvrir mon identité. J'ai demandé à un monsieur quel était mon nom : j'ai dit que mon grand-père malécite m'avait nommé « Corneille » et que je ne savais pas c'était quoi dans ma langue. Le monsieur m'a dit mon nom en malécite : Kahkakuhs. Je l’ai fait répéter au moins cinq ou six fois. Il fallait que je l'écoute comme il faut pour apprendre mon nom. Il répétait et je le fixais. C'est tout ce que je lui ai demandé.
I started discovering my identity when I was 30 years old. I asked a man what my name was. I told him that my Maliseet grandfather had named me Crow, but that I didn’t know how to say it in my language. The man told me that my name in Maliseet is Kahkakuhs. I asked him to repeat it five or six times. I had to listen carefully to learn it. He repeated it as I watched him closely. That’s the only thing I asked him.
Chez nous, c'était défendu de dire que nous étions des Indiens. C'était quelque chose de tabou. Alors quand mon père est devenu le premier Grand Chef malécite du Québec après 118 ans d'oubli, je suis partie vivre en Nouvelle-Écosse, près des Mi’gmaq, avec ma petite famille. C'est là que j'ai appris sur ma culture et aussi un peu de ma langue malécite. J'ai aussi côtoyé des Malécites du Nouveau-Brunswick, la famille Perley à Tobique. Puis, j'ai appris un peu ce qu'on m'avait caché sur mon identité, quand j'étais petite.
At home, it was forbidden to say that we were Indian. It was taboo. When my father became Grand Chief of the Maliseet Nation of Quebec after 118 years of neglect, I moved with my little family to Nova Scotia, near the Mi’gmaq. That’s where I learned more about my culture and a little of my Maliseet language. I also spent time with New Brunswick Maliseet—the Perley family in Tobique—and found out a little more about the identity that had been hidden from me when I was young.
J’ai de la peine de ne pas pouvoir parler indien. Aux réunions, ils parlent tous indien entre eux, ils sont établis sur des terres, sont regroupés entre eux. Dans l’autobus, après les réunions, je pleurais et je me disais : nous, on a quoi ? On n’a rien. On n’a pas de langue, pas de culture, on ne se regroupe pas, on a plus rien. J’ai de la peine et je vais en avoir longtemps. Je me demande comment ça que, nous, on ne parle plus, pourquoi nous, on a plus de terre, comment ce fait-il qu’on est déraciné comme ça, qu’est-ce qui s’est passé ?
I’m sad that I can’t speak Indian. At meetings, people would speak Indian among themselves. They live on their land together. I would cry in the bus after meetings and say to myself, “What do we have left? Nothing. No language, no culture; we don’t live together, we have nothing.” It hurts, and it will hurt for a long time. I ask myself why we don’t speak the language anymore, why we no longer have our own land, how come we were uprooted like that, what happened?
Les Malécites du Nouveau-Brunswick parlent encore leur langue. Dans les écoles, ils ont des programmes où les aînés transmettent leur savoir. Pour les Malécites du Québec c'est peine perdue. On a été dispersé après le traité de 1869. Nous, la langue, on ne la parle plus. Je ne pourrai jamais parler la langue couramment. Ce que je sais, par contre, c'est 224 mots. Peut-être un petit peu plus récemment parce que j'ai appris quelques mots sur les poissons, sur la pêche. Je trouve les autres Autochtones bien chanceux de pouvoir parler leur langue.
The Maliseet in New Brunswick still speak their language. They have school programs where the elders transmit their knowledge. That’s not the case for the Maliseet in Quebec. We were scattered after the treaty in 1869. We don’t speak our language any more. I will never speak it fluently, but I know 224 words. Maybe a little more because I recently learned some fishing terms and the words for various fish. I think other Aboriginal people are really lucky to speak their language.
On a eu les bateaux par le traité (arrêt) Marshall dans les années 98. Anne était chef à l’époque. C’est elle qui a fait la demande d’annexion au prêt. Elle a fait la demande de quatre bateaux et il y avait des quotas qui étaient liés. Depuis 2000, la nation pêche. Présentement, on est les plus gros pêcheurs de crevettes au Québec, pour les quotas. On a jusqu’à 2 375 000 livres de crevettes annuellement pêchées. Ça fait de nous le plus gros pêcheur à travers le Québec.
80 % des revenus de la communauté proviennent de la pêche. On exploite différentes ressources comme la pêche aux crevettes, aux crabes, à l’oursin qui est un nouveau créneau chez nous depuis 2007. Suite à ça, il y a eu un nouveau développement à Rimouski, un agrandissement de l’entrepôt. On a maintenant une petite usine de transformation et de cuisson du crabe et une petite poissonnerie située dans un endroit stratégique à Rimouski. Cela, effectivement, amène des retombées économiques à la nation, autant en argent qu’en financement, et en création d’emploi pour nos membres.
We got the boats because of the Marshall decision on treaty rights in 1999. Anne was chief at the time. She was the one who demanded that we be included in the loan. She asked for four boats, which came with quota. The Nation has been fishing since 2000. We are now the biggest shrimp fishers in Quebec in terms of quota. We fish up to 2,375,000 pounds of shrimp a year. That makes us the biggest fishing outfit in Quebec.
The community earns 80% of its income from fishing. We harvest various resources, such as shrimp, crab, and sea urchin, which is a new resource we’ve been tapping since 2007. We’ve since expanded the warehouse in Rimouski. We now have a small processing and crab cooking plant and a small fish store in a strategic location in Rimouski. This generates economic spinoffs for the Nation, in the form of cash, financing, and jobs for our members.
Je me retrouve grand chef avec peu de moyens et une réserve sans eau donnée par le gouvernement. Je m’étais alors donnée comme ligne de conduite de revenir par l'eau. Je ne savais pas comment, mais je reviendrais par l'eau. Et puis, la Cour suprême du Canada a reconnu un droit de pêche ancestral dans l’histoire de Donald Marshall qui avait pêché de l'anguille pour la survie de sa famille. On a profité de cet arrêt de la Cour suprême du Canada pour s'affirmer et signer deux ententes de plus de 8 millions de dollars : le projet d'un bateau semi-hauturier avec un quota de 100 tonnes de crabes des neiges et 250 tonnes de crevettes.
I found myself a Grand Chief with limited means and a reserve with no water, courtesy of the government. So I decided that I would return to the water. I didn’t know how, but I would return to the water. And then the Supreme Court of Canada recognized ancestral fishing rights in the case of Donald Marshall, who had fished eel to support his family. We used the Supreme Court ruling to assert our rights and sign two agreements worth over $8 million: a project to operate a semi-offshore boat with a quota of 100 tons of snow crab and 250 tons of shrimp.
J’ai appris à prononcer ces mots-là, mais c’est pas évident quand c’est pas la langue que tu parles depuis que t’es toute jeune. J’ai trouvé d’autres mots de pêche : un pêcheur c’est NUTAMET, le poisson, c’est NOMEHS. J’ai appris plusieurs autres petits mots comme ça.
I learned how to pronounce those words, but it’s not easy when it’s not your mother tongue. I found other fishing terms: a fisher is a NUTAMET and fish is NOMEHS. I learned lots of other small words like that.
Les Malécites pêchaient et pêchent encore, aujourd'hui, le poisson. On a des bateaux pour la pêche, pour la communauté et, aussi, pour la pêche commerciale. Les Malécites pêchaient au harpon plusieurs variétés de poissons. On pêchait le marsouin : NUCI-CUSPESKET. On harponnait la baleine, le phoque, le marsouin. Les Malécites pêchaient l'anguille aussi. Kat, c'est anguille en malécite. Il y a aussi le maquereau qu'on appelle AMALOMEQ. Il y a le homard qu'on appelle SAK et puis la morue NUHKOMEQ. Les clams, les mollusques, c’est ESS.
The Maliseet were fishers and still are. We have community and commercial fishing boats. Along with fish, we would hunt porpoises—NUCI-CUSPESKET—whales, and seals using harpoons. Maliseet also fished eels, known as Kat in Maliseet. There were also mackerel, which we call AMALOMEQ, lobster, called SAK, cod (NUHKOMEQ), and clams and other mollusks, known as ESS.
Le saumon change de nom selon son environnement. Si c’est un saumon de rivière on va dire taqanan. Si c’est un saumon de l'Atlantique, d'eau salée, on va dire polam.
Salmon have different names, depending on where they live. River salmon are called taqanan. Saltwater Atlantic salmon are called polam.
Je me suis inspirée d’un pétroglyphe qui représente des personnages et un canot. TAHAKON, c’est la rame et OQITON, c’est mon grand canot. J’ai intitulé cette toile « mes ancêtres et nous ».
This work is inspired by a petroglyph that shows people and a canoe. TAHAKON means “paddle” and OQITON means “canoe.” The title of this work is “My Ancestors and Us.”
TOKOTIKON, c’est une lance, une fouëne. Les Malécites pêchaient le poisson en harponnant leur proie. Nommé « pollock » en anglais, le colin est la principale variété de poisson que nous pêchions. Ainsi, on nous surnommait « le pêcheur de colin ».
On appelait aussi les Malécites Peskotomuhkat, ce qui veut dire : « celui qui harponne le colin ». Pour pêcher de cette manière, on devait être immobile, calme. Fallait être en synergie avec la nature sinon tu pouvais perdre ta proie très facilement.
TOKOTIKON is a spear or harpoon. Maliseet fished with spears. Pollock was the main species we fished, we were nicknamed “pollock fishers.”
Maliseet were also called Peskotomuhkat, which means “pollock spearer.” To fish with a spear, you had to keep very quiet and still. You had to be in harmony with nature; if not you could easily lose your prey.
La nation malécite du Québec se nomme WOLASTOQIYIK, ce qui veut dire « Peuple de la belle rivière ». Malécite, c'est un mot Mi’gmaq qui veut dire : « ceux qui parlent la langue brisée ». Le mot malécite se prononce Ma-li-si’-tchik. Les Mi’gmaq et les Malécites sont de la même famille sauf que nous, les Malécites, on « jargonne » la langue mi’gmaq : c'est pour ça qu'ils disent qu'on parle la langue brisée. Tandis que si l’on parle d'une personne, on va dire WOLASTOQ. Donc, moi, je suis WOLASTOQ. Je suis du peuple de la belle rivière. La rivière Saint John, la rivière Verte, qui traversent nos territoires. Donc, nous sommes le peuple qui habitait le long de la rivière.
The Maliseet Nation in Quebec is called WOLASTOQIYIK, which means “people of the beautiful river.” Maliseet is a Mi’gmaq word that means “broken talkers.” It is pronounced Ma-li-si’-tchik. The Mi’gmaq and the Maliseets are related, except we Maliseets speak Mi’gmaq badly, which is where the “broken talkers” name comes from. We use the term WOLASTOQ to refer to a Maliseet person. So I am a WOLASTOQ. I am from the people of the beautiful river—the St. John River—and the Green River, which cross our land. We are the river dwellers.